Vivre autrement que chacun de son côté ?

« Et si on vivait autrement que chacun de son côté? » :
un thème qui a rassemblé de très nombreux auditeurs. 

par Dominique Amatulli, La Montagne, 6 février 2015.

À l’invitation du mouvement Chrétiens, changeons ! Olivier Rey a animé une conférence qui avait pour thème la proposition « Et si on vivait autrement que chacun de son côté ? »Chercheur en mathématiques au CNRS, ancien enseignant à l’École polytechnique, romancier, essayiste, Olivier Rey a suivi un parcours singulier puisqu’il se passionne aussi pour la philosophie qu’il enseigne l’université Paris I – Panthéon-Sorbonne.

Examinant l’évolution de nos sociétés contemporaines, il fait le constat que « la solitude et l’anonymat comptent parmi les plus grands maux qu’elles développent ». « Encore convient-il de réfléchir sur les pathologies qui les composent », s’empresse-t-il d’ajouter. L’une d’entre elles relève certainement du surdimensionnement de ces communautés par rapport aux facultés des êtres humains qui la composent. « Nous sommes passés du village, où tout le monde se connaissait, aux mégalopoles, où l’inconnu est la règle. Entre ces extrêmes, il existe certainement une taille idéale », estime-t-il.

Après avoir commenté plusieurs autres points, il en vient finalement à penser que tout est toujours question de mesure : le court terme et le long terme, le bien et le mal, ne sont souvent qu’affaire de dosages. Le franchissement de certains seuils quantitatifs entraîne des différences qualitatives. D’où l’importance de vivre dans des environnements à notre mesure, de trouver des organisations à des échelles proportionnées à l’être humain. Alors, faut-il construire pour l’avenir, ou vivre dans le monde tel qu’il est ? Les sacrifices demandés aux siècles derniers au nom d’un avenir plus radieux ont laissé place aujourd’hui aux renoncements ordonnés au nom de la sauvegarde de la planète. Mais l’objectif reste le même : sacrifier le présent sur l’autel du futur.

« C’est une mauvaise voie », affirme Olivier Rey, partisan du « mouvement de la décroissance et de la joie de vivre », qui propose « non pas de se limiter pour survivre, mais de se limiter pour mieux vivre maintenant ». Dans cette recherche d’une meilleure voie, l’éducation des enfants constitue une préoccupation essentielle. Olivier Rey l’affirme : « Les pathologies de nos sociétés viennent souvent d’un surdimensionnement des communautés, mais aussi d’un sous-dimensionnement de la famille. Il n’y a plus d’intermédiaire entre une famille trop petite et une société trop grande ». Il suggère alors une communauté ouverte qui puisse relayer le discours des parents et le mettre en perspective. L’école, enfin, doit retourner à sa mission d’instruction et laisser la dimension éducative à la famille et à la communauté : « Plus on charge l’école, plus on déresponsabilise les parents et les adultes », reproche-t-il, ajoutant que l’une des facultés fondamentale de l’être humain est d’éduquer, de transmettre, et de permettre l’accumulation culturelle.

Olivier Rey est l’auteur de plusieurs ouvrages :

  • Itinéraire de l’égarement. Du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine, Le Seuil, 2003.
  • Une folle solitude. Le fantasme de l’homme auto-construit, Le Seuil, 2006.
  • Le Testament de Melville : Penser le bien et le mal avec Billy Budd, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 2011.
  • Une question de taille, Stock, coll. « Les essais », 2014. Ce livre a obtenu le Prix Bristol des Lumières 2015. Ce prix met à l’honneur chaque année l’auteur d’un essai philosophique, politique ou de société, écrit en langue française. L’ouvrage primé doit mettre avant une réflexion nouvelle, voire polémique, sur notre temps, dans la tradition de l’esprit critique, des libertés et de l’humanisme du XVIIIème. Le Prix Bristol des Lumières est le seul prix littéraire où la délibération et le vote du jury se déroulent en toute transparence. En effet, celui-ci se réunit en direct sur France Culture dans le cadre d’une émissions spéciale.
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